Marcel Duchamp est un artiste inclassable. Il est né en Normandie, dans une famille bourgeoise de six enfants dont quatre seront des artistes reconnus. Ses deux frères, Jacques Villon peintre, et Raymond Duchamp Villon sculpteur, s'inscrivent dans la mouvance cubiste du début du XX° siècle. Marcel, leur cadet de plus de dix ans se démarque rapidement de ce courant, après avoir fait un tour des musées européens en 1912 et un arrêt prolongé à Munich où il rencontre Kandinsky. Francis Picabia a une influence déterminante sur Marcel. Le refus d'une toile déposée au salon des indépendants de 1912, le fameux "nu descendant un escalier" va accélérer son détachement de tout groupe et en octobre de la même année il décide de ne plus peindre. Il a, en peu d'années, parcouru les principaux courants de la peinture occidentale et il va chercher son inspiration, dans la littérature, les sciences, domaine qui le passionne, et l'humour, héritage familial qu'il a cultivé. Les critiques d'art et artistes américains Walter Pach, Alfred Stieglitz organisent une exposition à New York,  l'Armory Show, en 1913 destinée à réveiller le goût désuet qui sévit outre-atlantique. Parmi plus d'un millier d'oeuvres, se trouve le fameux nu de Marcel Duchamp qui va être l'objet d'un scandale sans précédent, mais dans le même temps fera de lui une célébrité incontournable.

Nu descendant un escalier II  1 48x89 1912 Coll. Louise et Walter Arensberg Musée de Philadelphie

Bien que   profondément antimilitariste, en 1914, il se voit réformé pour un souffle au coeur et ses deux frères partent à la guerre. Il finit par se rendre en Amérique  en 1915 où il est attendu comme l'artiste qui représente l'avant-garde artistique. Il se garde bien d'annoncer que pour lui le cubisme est dépassé et que la peinture est morte... En tout cas, comme dans le jeu d'échecs pour lequel il se passionne, il est  un homme qui réfléchit avant de répondre et observe avant d'agir. D'une élégance extrème, d'un physique de dandy, il plait à tout le monde. Marcel est accueilli par Louise et Walter Arensberg  des mécènes qui s'attacheront jusqu'au bout à ses recherches. En France, déjà une question le travaillait : "peut-on faire une oeuvre qui ne soit pas d'art ?" ou pour aborder l'idée sous un autre angle : comment réaliser une oeuvre qui se dégagerait de toute préoccupation esthétique. Il avait bricolé en 1913 un objet qui le satisfaisait : une roue de bicyclette fixée sur un tabouret. Puis dans la foulée il avait acheté au Bazard de l'Hôtel de Ville un porte-bouteille.

En 1917 il propose de créer à New York un salon des Indépendants sur le modèle du salon de Paris, sans jury et sans prix. Stieglitz est enchanté et la première exposition a lieu en avril-mai 1917. Dans le plus grand secret Duchamp paie les droits d'exposition d'une oeuvre un peu particulière : un urinoir en porcelaine signé Richard Mutt. Voici la lettre que Marcel adresse à sa très chère soeur Suzanne la quatrième artiste de la famille Duchamp :                11 avril...  Raconte ce détail à la famille : les indépendants sont ouverts ici avec gros succès. Une de mes amies sous un pseudonyme masculin, Richard Mutt, avait envoyé une pissotière en porcelaine comme sculpture. Ce n'était pas du tout indécent, aucune raison pour la refuser. Le comité a décidé de refuser d'exposer cette chose. J'ai donné ma démission et c'est un potin qui aura valeur dans New York. J'avais envie de faire une exposition spéciale des refusés aux Indépendants. Mais ce serait un pléonasme ! Et la pissotière aurait été « lonely » à bientôt affect. marcel

Fountain 1917 ready-made de Marcel Duchamp 

« Il s’agit, plus encore que de rechercher un scandale dont M.D. n’a pas besoin pour sa notoriété new-yorkaise, (…) de poser la question des limites de l’art et de sa définition.  "Que Mr. Mutt ait fait la chose ou ne l’ait pas faite n’a pas d’importance. Il l’a CHOISIE. Il a pris un objet ordinaire de la vie quotidienne, l’a posé de telle manière que sa signification ordinaire a disparu ; par le biais d’un nouveau titre et d’un nouveau point de vue, il a créé une nouvelle idée de cet objet."  extrait de «The Blind Man» revue Dada   Cet épisode apparaît donc comme un rituel qui dévoile le mécanisme de la sacralisation artistique tout en désacralisant l’objet d’art.

http://www.perspectives-girard.org/recette/documents/Dossier_Marcel_Duchamp.pdf

En décembre 2004, la Fontaine de Duchamp a été élue comme le modèle le plus influent du XX^e siècle par cinq cents personnalités parmi les plus influentes du milieu britannique de l'art.

Un journaliste :  ...nous pensons tous savoir ce qu'est une oeuvre d'art. A quel moment existe t'elle et qui la fait ?"           Marcel Duchamp  "Exactement, je n'en sais rien moi-même. Mais je crois que l'artiste qui fait cette oeuvre ne sait pas ce qu'il fait. Je veux dire par là : il sait ce qu'il fait physiquement, et même sa matière grise pense normalement, mais il n'est pas capable d'estimer le résultat esthétique.  Ce résultat esthétique est un phénomène à deux pôles : le premier, c'est l'artiste qui produit, le second, c'est le spectateur, et par spectateur je n'entends pas seulement le contemporain, mais j'entends toute la postérité et tous les regardeurs d'oeuvres d'art qui, par leur vote, décident qu'une chose doit rester ou survivre parce qu'elle a une profondeur que l'artiste a produite, sans le savoir.  Et j'insiste là-dessus parce que les artistes n'aiment pas qu'on leur dise ça. L'artiste aime bien croire qu'il est complètement conscient de ce qu'il a fait, de pourquoi il le fait, de comment il le fait, et de la valeur intrinsèque de son oeuvre. A ça, je ne crois pas du tout. Je crois sincèrement que le tableau est autant fait par le regardeur que par l'artiste. "

 Pour aller plus loin quelques liens intéressants :

http://www.perspectives-girard.org/recette/documents/Dossier_Marcel_Duchamp.pdf  

http://www.philophil.com/philosophie/representation/Analyse/ready-made.htm

http://www.zumbazone.com/duchamp/index.html

http://ap.over-blog.org.over-blog.org/15-categorie-10049909.html

http://www.centrepompidou.fr/education/ressources/ens-duchamp/ens-duchamp.htm