Début des années 60, l'ère de la consommation se développe, le monde devient fou et Andy Warhol  incarne cette folie : il aime l'argent, il aime la publicité, il aime la reconnaissance.  Il entre ouvertement dans le système dans lequel il vit et ce système en fait une star. Il exploite l'immense réservoir des médias et tend un miroir à ses contemporains. Le public est ravi. Pour éviter toute référence au geste pictural, il va trouver un outil ou plutot une technique qui lui permet cette distanciation qu'il cherche et il utilise la sérigraphie. "Il est trop difficile de peindre. Les choses que je veux montrer sont mécaniques. Les machines ont moins de problèmes. J'aimerais être une machine, pas vous?" Par l'intermédiaire de la photo, il réalise de grands "pochoirs" sérigraphiques, lui permettant de passer à l'étape industrielle de production. En 1975, il écrit : " l'art à l'échelon industriel est l'étape qui suit l'art avec un grand A. J'ai commencé dans l'art commercial, et je veux finir avec une entreprise d'art... Gagner de l'argent est un art, et les affaires bien conduites sont le plus grand des arts". in The Philosophy of Andy Warhol. En 1963 il investit un grand loft qu'il nomme "Factory" (l'usine) qui devient un centre du Pop' art. Après la "Campbell's Soup", objet devenant symbole de la consommation américaine, il s'empare du visage de la célèbre et médiatique Liz Taylor. Il a juxtaposé à l'infini les boites de soupe, là il multiplie dix fois le visage de l'actrice. L'image parait identique et elle est  chaque fois différente révélant les imperfections du procédé.  

Ten Lizes (201 x 564)  1963  Andy Warhol centre Pompidou Paris

Dans la multiplication de l'image, Warhol met le doigt sur la banalisation du réel, un réel se réduisant à  l'image que  les médias en donnent, un réel que l'on ne distingue plus de son image.  Comme la photo que l'on prend et qui vient peu à peu remplacer  le souvenir de la scène que l'on a photographiée, le monde médiatique se substitue au réel. La photographie est mortifère, elle fige le réel et le remplace. Elle nous donne, comme le dit si justement Roland Barthes, l'image du "cela a vécu", "cela est passé", "cela est fini"... Rien d'étonnant à ce qu'on ait rapproché l'œuvre de Warhol à celle des peintres de vanités du XVIIème. A partir de l'année 63, la mort devient un thème récurent dans son œuvre - série des accidents de la route, des chaises électriques, des émeutes raciales, des suicides... puis il s'intéresse au cinéma. La caméra devient un élément de distanciation.

 "Si vous voulez tout savoir sur Andy Warhol, regardez simplement la surface de mes peintures, de mes films et de moi-même. Je suis là. Il n'y a rien derrière." A. Warhol

 "Tout est plus ou moins artificiel. Je ne sais pas où s'arrête l'artificiel et où commence le réel." A. Warhol

 "Quand on y songe, les grands magasins sont un peu comme des musées." A. Warhol

"Dans le supermarché, malgré la logique qui a présidé aux emplacements, les objets offrent le multiple reflet d'eux- mêmes, ils se donnent sous le signe de la redondance. (...) ces artistes semblent tous tenir le même discours, qu'ils en soient concients ou non : l'aspect fondamental urbain contemporain, c'est la monotone et inlassable récurrence de l'identique - formes, objets, images, vêtements, comportements - qui ne permet plus d'être mais tout au plus de ressembler."  (dans "POP ART et évidence du quotidien" par  Jean-Pierre Keller aux éditions l'Age d'homme 1979)