• Les moyens optiques et les artistes (1)

    Il n’est pas étonnant que ce soit un artiste rompu aux techniques picturales et à l’utilisation de l’image photographique qui ait fait cette découverte tardive de l’utilisation des moyens optiques par les peintres. La découverte de la perspective tridimensionnelle par Brunelleschi  semble également liée aux procédés optiques (miroirs). Aucun historien, aucun spécialiste, aucun critique n’avait vu ce que  David Hockney a découvert au tournant du XXI°. Ce peintre anglais  a expérimenté et utilisé la photographie dans son œuvre. Il s’est penché sur l’évolution de la peinture de Van Eyck à Cézanne. Il a tenté de comprendre cette rupture qui a vu le jour autour des années 1420 à Bruges et Gand et à Florence à la même période. L’autre rupture importante aura lieu avec Cézanne et une nouvelle manière d’appréhender le réel. Cela nous amène à revisiter l’art sous un autre angle et à comprendre comment ce regard  « photographique »  né à la Renaissance avec la perspective tridimensionnelle et dont le dernier avatar aura été l’avènement de la photographie chimique, a conditionné toute notre perception du monde. 

       Pour aller au bout de sa recherche il s’est donné d’importants moyens : regrouper des centaines d’images sur plus de six siècles de peinture, se déplacer à Gand, Bruges, Florence, réutiliser les moyens techniques des artistes du XV° (miroirs, camera obscura et chambre claire), faire appel à des scientifiques pour étayer sa thèse et ne rien laisser au hasard : depuis le début du XV° siècle de nombreux artistes ont utilisé des moyens optiques pour élaborer leur œuvre. Voilà ce qu’il s’est employé à démontrer durant quelques années de recherche, abandonnant son travail personnel pour porter cette découverte à notre connaissance. 

    Les époux Arnolfini détail Van Eyck 1434 Londres National Gallery

     Les spécialistes reconnaissaient chez Canaletto l’utilisation d’une camera obscura pour réaliser ses paysages de Venise. Ils pressentaient également cette utilisation dans l’œuvre du flamand Vermeer redécouvert à la fin du XIX°. Mais Hockney nous démontre, avec l’appui de scientifiques, qu’avant l’utilisation de la lentille dans le principe de la camera obscura, redécouverte au début du XVI° par les caravagesques, Van Eyck et d’autres artistes à partir de 1420 ont utilisé des moyens optiques avec les miroirs concaves.  Ref. Savoirs secrets. Les techniques perdues des maîtres anciens.  David Hockney Editions du Seuil 2006  et le reportage intitulé : Sous la peinture, la photographie. Secrets oubliés des grands maîtres. Odysée 2003

    Voici une anecdote instructive : Au milieu du XVI° siècle une période relativement éclairée, G.-B. della Porta (1535-1615), un érudit d'une immense culture, publia une description minutieuse de la technique secrète de la camera obscura. Il fit construire une vaste chambre obscure dans laquelle il fit asseoir ses invités. A l'extérieur un groupe d'acteurs donnaient une représentation dont les spectateurs pouvaient voir les images sur un mur de la chambre. Les images effrayèrent tellement les spectateurs que pris de panique, ceux-ci s'enfuirent.Della Porta fut arrêté un peu plus tard et jugé pour crime de sorcellerie. Réf.  http://www.cirac.org/infos-fr/camera.htm                                                                        Cette anecdote nous donne à constater que l'image revêt un caractère puissamment magique au point que  l'inquisition poursuive ceux qui la manipulent. On comprend également l'immense pouvoir des artistes de la Renaissance reconnus pour la plupart comme des génies universels, parfois alchimistes. Dès l'avènement de la photographie chimique ce pouvoir de l'image sera récupéré par les magnats de la presse utilisé à d'autres fins.        

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     L'encylopédie Diderot au XVIII° en faisait une description minutieuse. Celle que Joshua Reynolds (1723-1792) utilisait se repliait et ressemblait à un gros livre... Sans doute ne souhaitait-il pas qu'on découvre son procédé ?

    La plupart des grands maîtres de l'art occidental auraient selon Hockney utilisé des miroirs ou des lentilles. "Ce qui ne signifie pas, dit-il, que ces génies auraient triché. En quoi, poursuit-il, le recours à une lentille tiendrait-il davantage à la tricherie que l'usage d'un fil à plomb ou d'un manuel  mathématique pour dessiner la perspective ? La photographie est bien plus ancienne qu'on le croit. Simplement les produits chimiques de fixation ne sont pas apparus avant le XIX° siècle. Le fait de savoir comment travaillaient ces peintres fabuleux nous libère ; cela nous rapproche beaucoup des artistes du passé. Ce ne sont plus des demi-dieux au sommet de leur montagne. En fait, les artistes d'aujourd'hui auraient beaucoup à apprendre de leurs techniques."

     Cependant avec l'avènement du numérique précise Hockney, les photos sont de plus en plus retravaillées à la main. Si bien que la photographie a perdu sa véracité qui était au départ sa qualité primordiale. La théorie d'Hockney se résume ainsi : pendant cinq siècles, la main était un élément de l'appareil photographique. Les peintres en faisaient partie intégrante en utilisant la lentille. Puis pendant cent soixante ans, il y a eu la photographie chimique, qui est entrain de disparaitre. Avec la photo numérique, la main fait son retour.

     http://www.courrierinternational.com/article/2001/11/29/les-maitres-anciens-faisaient-de-la-photographie 

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  • Commentaires

    1
    Hoen
    Mardi 3 Mai 2011 à 10:08

    Superbe mise en abyme chez les Arnolfini, et en plus c'est une espèce de mise en évidence du rôle des miroirs dans la "fabrication" du tableau.


     

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